Des pistes d’action et de réflexion pour aborder la pratique de l’improvisation libre basée sur des partitions graphiques et établir ainsi des liens et des interactions entre éléments visuels et sonores.

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Nous allons donc présenter quelques clés de lecture qui peuvent se révéler utiles lors que l’on aborde l’analyse et l’interprétation d’une partition graphique. Ces pistes de lecture se basent sur une série de paramètres qui sont pour la plupart communs aux média visuel et sonore : temps, espace, matériau. […]

Dans le cadre d’une improvisation non-idiomatique on essayera de trouver une correspondance entre signe graphique et « élément sonore » . Ce dernier s’apparente plus d’un geste, d’un mode de jeu, d’une posture, d’une ambiance, d’une texture (dans la suite, on emploiera ces termes de manière interchangeable), que de notions musicales plus conventionnelles comme les hauteurs des notes, les harmonies, les rythmes, …



L’acte de lecture

Généralement, une partition graphique se compose d’un ou plusieurs éléments que l’on peut isoler ou suivre plus ou moins facilement. La  » lecture  »  de la partition sera en effet une tentative d’analyser et de décrypter ces éléments dans leurs intégralité ou en les décomposant en des parties plus simples. Un élément visuel peut être interprété, par exemple, en assignant un certain paramètre sonore à chaque axe spatial, et en reliant l’évolution graphique de l’élément dans l’espace à l’évolution du paramètre sonore associé. […]

A ce stade, l’interprète crée spontanément un cadre qui guide sa lecture afin de compléter et intégrer les indications qui ne sont pas déclarées explicitement par le compositeur, en choisissant par exemple une direction, une vitesse, un ordre de lecture : ce cadre va influencer de manière radicale et unique l’exécution de l’œuvre. Il nous semble donc important de souligner comment les stratégies adoptées lors de l’acte de lecture de la partition constituent déjà en soi un geste créatif, qui se définit par ses propres contraintes et qui précède celui de l’exécution médiée par l’interprétation.


Les paramètres : temps, espace, matériau

a) Temps :

Direction de lecture
Scansion temporelle
Durée

b) Espace :

Structure formelle
Échelle
Plans et perspective
Superposition

c) Matériau :

Lignes et trajectoires
Trait
Couleur
Rythme
Geste
Touche
Densité


Les relations et les transitions

Les paramètres que nous avons listés, bien que déjà nombreux pour une classification qui ne se veut pas exhaustive, ne sont pas suffisants à définir complètement les éléments visuels que l’on veut traduire en éléments sonores. Il faudra en effet analyser et déchiffrer non seulement les paramètres propres à ces éléments, mais aussi les relations entre les différents éléments. Relations d’échelle, de durée, de rythme, de densité peuvent fournir des interprétations complètement nouvelles par rapport à celles liées aux éléments isolées. La pièce se construit ainsi non pas comme la simple somme de ses éléments constitutifs, mais comme l’ensemble des relations entre les différentes parties que la composent.

Il est également important de considérer comment, dans l’acte de lecture, un élément visuel peut se relier à ceux qui le précèdent et succèdent. Selon le type de transition, connexion, nuance, gradation que l’on observe au sein du graphisme, on pourra attribuer aux différents gestes sonores des différents formes de mélange, d’évolution, de transition (juxtaposition, contraste, fondu enchaîné, coupure, vide, …)


Les méta-paramètres

Nous devons enfin considérer tout ce qui pourrait ne pas être noté sur la partition, mais qui finit forcément par faire partie de l’œuvre.

Dans le cadre des musiques expérimentales, le silence est – par sa nature parfois paradoxale – sans doute au cœur des recherches sonores. La célèbre œuvre phare de John Cage 4’33’’, qui met le silence au centre de la création pour questionner nos pratiques d’écoute, pourrait être considérée comme l’équivalent d’une toile blanche. Et lors que l’on essaie de s’emparer du blanc ou du silence comme d’une absence (de couleur, de trace, de son, …), on ne fait en réalité que constater une présence ultérieure.

Même si le silence pourrait ne pas être noté explicitement sur la partition, dans le cadre d’une improvisation on sera amené.e.s à trouver ce qui pour nous représente, dans cette partition, le silence, et à lui réserver une place et une attention particulière.

A l’extrême opposé, on retrouve un autre élément para-musical proéminent : le bruit. Alors que ce ne sera pas possible de définir à priori qu’est-ce que dans la partition relève du bruit, il sera indispensable de réfléchir à comment les différents types de bruit (le bruit généré instrumentalement de manière délibérée, aléatoire ou accidentelle, le bruit environnemental, les interférences, les bruits parasites dans l’enregistrement, …) émergent de la partition et interagissent entre eux.


Conclusions

L’interprétation des partitions graphiques peut se révéler une tâche complexe mais stimulante. Elles s’inscrit dans un processus de libération des schémas figées de la notation conventionnelle pour ré-établir la suprématie de la performance et faciliter une création instantanée, partagée et collective dans laquelle établir des nouvelles règles et des nouveaux approches aux univers sonores qui se transforment et évoluent à chaque exécution.


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